PARTI COMMUNISTE
MARXISTE-LENINISTE DE FRANCE


ARBORER LE DRAPEAU ROUGE
POUR LUTTER CONTRE LE DRAPEAU ROUGE

(1968)

[Ce texte est extrait est d'une réponse interne à un document rendu public par l'UJC(ml). Elle a été écrité par un haut responsable du PCMLF, Gilbert Mury.Elel fera par la suite partie d'une brochure publiée en 1968 et intitulée "Unification des Marxistes-Léninistes et lutte des classes".]

Une agression significative :
De quoi s'agit-il donc?

Dans son numéro [6], le journal Garde Rouge s'en prend avec violence à l'idée même de créer actuellement un Parti marxiste-léniniste.

Déclarer que notre volonté avouée de constituer ce parti marxiste-léniniste " rend un service considérable au révisionnisme dans ses campagnes de calomnies contre les marxistes-léninistes ", c'est là, bien évidemment, utiliser des méthodes qui ne relèvent pas des contradictions au sein du peuple.

Affirmer que nous nous apprêtons à nous " abaisser à jouer sur les mots pour tenter de leurrer les autres et éventuellement nous-mêmes sur l'état réel de nos forces que nous sommes parvenus à accumuler ", ce n'est pas là non plus s'exprimer dans un style de discussion qui convient entre communistes.

Parler de " duper la classe ouvrière par des mots ".

Nous accuser de freiner, en définitive, gravement le développement du mouvement et l'édification d'une véritable direction centralisée.

Evoquer à ce propos les " groupuscules trotskystes, gauchistes et droitiers ", qui ont inculqué à la classe ouvrière " une méfiance profonde à l'égard des groupements qui prétendent lui imposer du dehors un programme général, une ligne d'action, des mots d'ordre ".

En venir à s'écrier : " nous devons nous garder de jouer les fanfarons, quitte à baptiser cette fanfaronnade audace, d'annoncer à grands cris des triomphes fictifs, de feindre de rassembler sous notre bannière de larges masses de travailleurs alors que nous n'en sommes qu'au début de l'implantation du mouvement marxiste-léniniste, de lancer à tort et à travers de grands appels creux à la classe ouvrière, d'appeler du dehors à des actions que nous ne sommes pas encore en état de mettre en œuvre et de diriger ", c'est là une série d'agressions difficilement concevables entre des organisations qui poursuivent des discussions fraternelles.

Bien entendu, le Mouvement Communiste Français (marxiste-léniniste) [qui formera le PCMLF] n'est pas nommé.

Les dirigeants de l'U. J. C. gagneraient certainement beaucoup à réfléchir à la critique dirigée par le camarade Mao Tsé-toung contre le culte du livre.

Qu'ils relisent en particulier une note de l'étude capitale qui porte pour titre A propos de la pratique : " II a existé dans notre Parti un groupe de camarades tenants du dogmatisme, qui, pendant longtemps, ont rejeté l'expérience de la révolution chinoise, nié l'action et n'ont fait qu'effrayer les gens à l'aide de mots et de phrases isolés, extraits au petit bonheur des textes marxistes...

Les dogmatiques, parés de la toge marxiste, ont induit en erreur nombre de nos camarades ".

Le meilleur exemple de cette attitude dogmatique est offert par l'éditorial publié en première page de Garde Rouge n° 5 lorsqu'il se réfère, pour trancher la question du moment convenable pour créer un Parti, à la critique du plus haut responsable chinois qui s'oriente vers la restauration du capitalisme, et notamment lorsqu'il rappelle ce texte excellent paru dans Pékin Information : " La ligne organisationnelle du Parti doit être subordonnée à la ligne politique, elle doit être la garantie et l'instrument d'application de la réalisation de la ligne politique du Parti."

Ni ce texte, ni aucun des autres qui se trouvent cités dans le document Garde Rouge n'a effectivement trait à la création d'un Parti.

Il est certes quelquefois question des tâches du Parti Communiste Chinois, mais quinze, vingt, trente ans après la date de sa naissance.

Des lambeaux de phrases sont ainsi arrachés de leur contexte, manipulés, déformés de façon à justifier une position qui se présente comme doctrinale, alors qu'elle reflète tout simplement les états d'âme, les impulsions, les comportements irraisonnés d'un certain nombre de militants d'U. J. C.

En fait, il s'agit là d'une utilisation déformante des textes dans une activité défensive et justificatrice, c'est-à-dire du détournement idéologique du marxisme au profit de l'attitude petite-bourgeoise selon laquelle un détachement organisé d'une couche sociale particulière, étrangère à la classe ouvrière veut préserver son autonomie et refuse de se situer à sa place dans l'ensemble des forces placées sous la direction du prolétariat.
(...)

La préoccupation majeure des dirigeants de ce qui fut le groupe d'Ulm et qui s'est élargi en Union des Jeunesses Communistes, a toujours été de faire prévaloir la théorie, c'est-à-dire le théoricien, sur la pratique, c'est-à-dire sur les militants ouvriers.

Cette préoccupation a été avouée dès les premiers moments de cette organisation.

Les textes que je vais citer sont empruntés aux cours de l'École Parisienne de Formation Théorique qui datent de la période durant laquelle l'U. J. C. n'était pas encore publiquement constituée en organisation extérieure au Parti révisionniste.

Cependant, ses dirigeants nous ont expliqué à plusieurs reprises qu'ils ne désavouaient aucun moment de cette lutte interne, qu'ils reprenaient à leur compte toutes les thèses alors formulées que toute réserve faite par des étudiants du M. C. F. (m.-l.) à l'égard de ce comportement, de cette analyse théorique, de cette orientation pratique devaient faire de notre part l'objet d'une autocritique.

Il est par conséquent tout à fait logique que nous considérions de tels textes comme encore valables aujourd'hui. Disons-le d'ailleurs, si c'était nécessaire, nous ferions la preuve que les mêmes conceptions, les mêmes erreurs se retrouvent aujourd'hui encore dans les études et les articles publiés par les organes de presse de l'U. J. C.

Que trouvons-nous, dès les premières pages de ce document de l'École Parisienne (ier fascicule)?

Deux thèses sur lesquelles nous aurons à revenir constamment.

" On voit que déterminer la spécificité de la formation théorique, c'est aussitôt faire apparaître la nécessité. Il apparaît qu'elle n'est pas théorie pour la théorie, mais que, si nous sommes fondés à dire que cette tâche est principale, c'est qu'elle détermine la justesse et l'efficacité tout à la fois des deux premières, action politique et lutte idéologique.

Elle est ce sans quoi l'action se dégrade en activisme, et ce par quoi le militant communiste affirme sa maîtrise, sa position prédominante par rapport à tout autre militant politique. "

Dès ce moment, il apparaît que le mouvement qui mène de la théorie à la pratique, de la conception marxiste-léniniste du monde à l'action et à l'organisation de l'action est posé avec beaucoup de force.

En revanche, on ne voit nullement apparaître, ni le mouvement par lequel la théorie se constitue à partir de la pratique, ni le mouvement par lequel la théorie se vérifie au niveau de la pratique.

Dira-t-on que la formation théorique prend la théorie comme achevée?

Ce serait déjà un argument insuffisant dans la mesure où l'enseignement d'une discipline, lorsqu'il se coupe de son histoire, manque aux exigences les plus fondamentales du marxisme.

Éliminer de la formation théorique l'explication du mode de formation de la théorie, ce n'est pas sérieux. Présenter la théorie comme le fondement de l'organisation et l'organisation comme le fondement de la pratique, c'est faire passer le mouvement créateur des masses à l'arrière-plan de la bataille politique.

Mais en outre, le lien entre la théorie et l'action est posé à sens unique ; la théorie est le guide de l'action. Il n'est dit nulle part et à aucun moment, que l'action, la pratique permet à son tour de vérifier, c'est-à-dire de remettre en question, de fonder, dans une nouvelle vérité, la théorie elle-même.

L'affirmation de la priorité absolue, métaphysique de la théorie se retrouve d'ailleurs deux fois.

D'une part, les auteurs de cette brochure condamnent les camarades " qui, faisant preuve d'une attitude de démission, se prétendent rebutés par la difficulté des textes, tout impatients qu'ils sont de s'adonner à des tâches concrètes et tout inconscients que cette action mal éclairée dans ses principes ne saurait être qu'idéo-logiquement et politiquement confuse ".

C'est dire que le rôle actif de l'expérience pratique, à la fois dans la constitution mais aussi dans la compréhension de la théorie est totalement négligé.

Sans doute peut-il se faire que des camarades, rebutés par l'étude des textes, s'orientent davantage vers des actions effectives au seul niveau de la spontanéité des masses.

Mais il faudrait tout au moins reconnaître que ces actions effectives les aideront ultérieurement à pénétrer le sens des textes.

C'est vraiment célébrer le culte du livre avec frénésie que d'établir ainsi une coupure totale entre l'apprentissage par pratique et l'apprentissage par la théorie.

Tournons d'ailleurs la page, nous allons rencontrer une bibliographie.

Et, dans cette bibliographie, nous verrons bien paraître le texte de Mao A propos de la contradiction mais absolument pas A propos de la pratique.

Tel est le deuxième signe auquel il est possible de reconnaître que le problème des rapports entre la théorie et la pratique n'est pas posé correctement.

Disons-le en passant, il n'y a pas là un hasard.

Lorsque tel d'entre nous a eu l'occasion de rencontrer I/Duis Althusser et de discuter avec lui, Althusser n'a jamais caché que son accord avec A propos de la contradiction s'accompagnait d'un désaccord avec A propos de la pratique.

Et, lorsque nous retrouvons à chaque pas dans les publications théoriques de l'U. J. C. des références, à l'œuvre, d'ailleurs intellectuellement importante, mais contaminée par le structuralisme d'Althusser, que nous ne trouvons jamais non plus les citations et les enseignements indispensables qu'il faudrait tirer d'un texte comme De la pratique.

Il n'est pas soufflé mot non plus sur Matérialisme et empiriocriticisme de Lénine, ni sur Matérialisme historique et matérialisme dialectique de Staline, C'est que de tels textes classiques mettent l'accent sur la détermination de la théorie par la pratique.

Il faut donc les éliminer, non par hasard, mais par principe. Quel en est le résultat?

C'est qu'après avoir affirmé la maîtrise des militants communistes, grâce à la formation théorique, par rapport à tout autre militant politique, le cours de l'École parisienne précise : " Pour aride qu'il puisse paraître, ce travail, parce qu'il est travail intellectuel, est d'accès plus aisé à l'étudiant qu'à un autre militant. "

Ou encore, pour " guider son action, suivant les termes d'Engels, la connaissance des principes et des résultats acquis par une science " est indispensable.

Par conséquent la thèse de la future U. J. C. est extrêmement claire : de même que la théorie doit guider la pratique, de même qu'il incombe aux étudiants d'acquérir cette formation théorique de manière privilégiée par rapport aux autres militants, il résulte nécessairement que le rôle dirigeant dans la formation du nouveau Parti revient à un détachement organisé d'étudiants marxistes-léninistes. (...)

Quand nous trouvons dans Garde rouge cette maxime hautaine (Numéro 1, page 3, colonne 3) : " L'idéologie du prolétariat a pour fondement théorique la théorie marxiste-léniniste ", il apparaît que la classe ouvrière n'est pas le sujet de l'histoire, mais un groupe social voué, comme un autre, à l'illusion.

Donc son rôle dirigeant s'efface puisqu'il faut, non plus lui apporter la théorie la plus capable d'exprimer sa situation réelle, donc de se greffer sur sa pratique pour l'organiser, mais encore lui révéler à chaque pas le fondement théorique de la vérité dont elle n'aura - à tout jamais - qu'une connaissance illusoire.

Et on comprend aussi pourquoi les étudiants sont présentés à tant de reprises comme étant les mieux placés pour accomplir un travail théorique recevable.

Pour l'U. J. C., comme le dit encore ce premier numéro page 12, " ce n'est pas la science qui reflète le réel, c'est l'idéologie qui reflète les apparences ".

C'est là une thèse incompatible avec la conception léniniste du reflet, formulée dans Matérialisme et empiriocriticisme, reprise et approfondie par Mao Tsé-toung dans De la pratique.

C'est ainsi qu'à propos de l'édification en France d'un Parti communiste " de l'époque de la Révolution culturelle " les rédacteurs de Garde rouge ont pu écrire :

" Nous devons enfin toujours garder à l'esprit - mais c'est déjà une tradition de notre organisation - le rôle essentiel de cette étape d'implantation du mouvement marxiste-léniniste dans les masses, du travail de formation théorique et idéologique, de propagande par le communisme scientifique, de diffusion la plus large possible des principes fondamentaux du matérialisme historique et du matérialisme dialectique.

Nous possédons en ce domaine une certaine expérience, mais elle reste encore insuffisante, principalement pour ce qui est des formes populaires de la formation marxiste-léniniste.

Il importe que noiis puissions perfectionner considérablement nos instruments idéologiques afin de pouvoir, à l'instar de nos glorieux frères de combat, les gardes rouges, porter, en différents points du peuple, les principes d'une pensée correcte, le marxisme-léninisme, la pensée de Mao-Tsé-toung (Cf. Garde rouge n°[6],page 12,dernière colonne ; les phrases soulignées le sont par nous).

C'est là reprendre la thèse d'Althusser selon laquelle la théorie est réservée aux hommes de science et l'idéologie est réservée aux masses.

Notons, en effet qu'il est seulement question des formes populaires de la formation^ marxiste-léniniste lorsque nous passons des considérations sur " la formation théorique " à la nécessité de perfectionner considérablement nos " instruments idéologiques ". (...)

Le refus du Parti marxiste-léniniste.

Ce mépris du peuple ainsi enfermé dans le ghetto de l'idéologie et séparé de la science se retrouve de bien d'autres manières.

C'est ainsi qu'expliquant l'importance et la force de l'organisation révisionniste en France à l'heure actuelle Garde rouge n° [6], pages 10-11, colonne 4, met l'accent sur une masse importante de membres de l'aristocratie ouvrière, de cadres et de techniciens supérieurs, de contremaîtres, de bourgeois intellectuels.

Mais nulle part il ne rappelle clairement le nombre, le rôle et les tâches de ce noyau dur du prolétariat que constituent les ouvriers spécialisés et les manœuvres.

Par conséquent il surestime stratégiquement la base de classe du révisionnisme et oublie tout simplement la force croissante, les réactions de plus en plus énergiques de ces strates prolétariennes contre la direction révisionniste.

Ainsi se trouve artificiellement fondé le refus de créer un nouveau Parti marxiste-léniniste.

On comprend bien pourquoi : il faut absolument qu'il soit trop tôt pour créer le Parti, il faut absolument que dans sa phase actuelle la décentralisation soit nécessaire au niveau du mouvement global et l'emporte sur la nécessité de la centralisation.

Sans la décentralisation écrit Garde rouge, " le Parti sera incapable de se mettre à la tête de la lutte de l'ensemble du peuple et de souder toutes les classes et couches progressistes en un front uni puissant dirigé par la classe ouvrière.

Il sera incapable de saisir l'état des luttes de classes sous tous leurs aspects, il comprendra les ouvriers, mais non les paysans, les ouvriers de telle branche, mais non les ouvriers de telle autre, les travailleurs manuels, mais non d'autres catégories de la petite bourgeoisie, etc...

Il sera incapable de déterminer quelle forme de la lutte des classes est dans le moment actuel décisive...

Il sera incapable d'organiser en son sein une juste division du travail " et notamment les " besoins théoriques urgents dans un domaine déterminé du matérialisme historique ou du matérialisme dialectique ". (Garde rouge n°[6], page 10, col. 1).

On voit ainsi défendre la thèse selon laquelle il est impossible de comprendre le mouvement global de la société à partir d'une analyse théorique des classes fondamentales définies par Marx dans Le Capital (les ouvriers qui vivent de leur salaire, les propriétaires fonciers qui vivent de rente foncière, les capitalistes qui vivent du profit), ni à partir d'une ligne politique et d'une pratique politique juste.

Refusant ainsi de situer la compréhension marxiste du mouvement social sur des bases saines, les membres de l'U.J.C. prétendent renvoyer le processus de centralisation à un moment où l'ensemble des couches susceptibles d'une alliance avec la classe ouvrière seront effectivement représentées en nombre suffisant à l'intérieur des divers détachements marxistes-léninistes.

C'est-à-dire qu'en pratique, ils renvoient la création du Parti à une date qu'il est absolument impossible de fixer et dont on peut seulement dire qu'elle est sensiblement éloignée.

En attendant, dans quelle situation nous trouvons-nous?

" Au moment où les militants marxistes-léninistes, écrit Garde rouge, ont pour tâche principale d'implanter la théorie marxiste-léniniste sous sa forme la plus générale dans les masses, ce qui est le cas quand une longue période de dégénérescence opportuniste a obscurci leurs connaissances et les a sevrées d'un mode de pensée correcte.

Au moment où les militants marxistes-léninistes ont pour tâche principale de pénétrer les différentes couches du peuple et d'acquérir l'expérience du travail militant dans ces différentes couches et classes, au moment où les marxistes-léninistes doivent inventer les formes nouvelles de travail d'élaboration et d'organisation dans lesquelles se développera la lutte des classes, à ce moment-là, qui correspond à l'étape de la naissance et de la première implantation du mouvement marxiste-léniniste, étape préalable à la naissance du Parti proprement dit, l'exigence de décentralisation et d'hétérogénéité l'emporte de loin sur l'exigence de centralisation " (Garde rouge n°[6], page 10, colonne 1).

Ici encore, nous trouvons la thèse selon laquelle il s'agit d'apporter, du dehors, la vérité théorique et simultanément d'acquérir l'expérience du travail militant sans qu'une corrélation, une interdépendance, un enrichissement réciproques de la théorie par la pratique et de la pratique par la théorie ne soient jamais posés nulle part.

En outre, l'idée simple qu'un enrichissement de la théorie par la pratique au niveau d'une couche sociale, voire d'un groupe particulier de la classe ouvrière, peut trouver son champ d'application dans d'autres groupes ou dans d'autres strates environnantes échappe totalement aux auteurs de ce texte.

Enfin, ils ne voient pas que plus l'action d'implantation des marxistes-léninistes doit conduire ceux-ci à diversifier leurs efforts concrets, à se multiplier dans les directions les plus diverses, et plus l'unité de pensée et d'action mérite d'être préservée par la centralisation.

Ils établissent une contradiction métaphysique entre la centralisation et la décentralisation au lieu de voir qu'il s'agit d'un seul et même processus à l'intérieur duquel se développe un Parti marxiste-léniniste.

Ici encore on comprend bien où le bât blesse : la théorie telle qu'ils la conçoivent est parfaitement incapable d'unifier, sans la mutiler, l'expérience riche et diverse de l'existence populaire.

Il ne leur est pas donné de procéder à des analyses scientifiques suffisamment enracinées dans le réel pour que, au fur et à mesure de la progression, de la pénétration marxiste-léniniste dans un groupe social donné, cette pénétration se traduise, sur le plan de l'approche scientifique, par l'élaboration d'un savoir cohérent.

Il existe d'ailleurs une singulière contradiction dans ce texte : s'il est vrai que ce sont les détenteurs de la théorie qui ont actuellement pour tâche " d'inventer les formes nouvelles de travail, d'élaboration et d'organisation dans lesquelles se développera la lutte des classes ", on ne voit nullement pour quelle raison, l'organisation centralisée de ces théoriciens ne deviendrait pas du même coup l'organisation centralisée de la classe ouvrière et du mouvement révolutionnaire tout entier.

A dire vrai, lorsque Lénine s'inscrivit en Russie dans le mouvement créé par le groupe Libération par le travail, telle était son ambition avouée.

Effectivement la rencontre entre les intellectuels, d'abord groupés autour de Plekhanov, et le mouvement socialiste naissant à l'intérieur des entreprises, permettait d'assurer une telle centralisation.

Mais c'est que Lénine et aujourd'hui Mao Tsé-toung, voit clairement qu'il s'agit là d'une rencontre créatrice et non d'une application mécanique de la théorie posée comme un commencement et une fin suprême, avec l'alibi d'articles d'information baptisés, à tort, "enquête sur le modèle de Mao".

Dès lors, la volonté centralisatrice de Lénine pouvait s'affirmer d'emblée dans un même faisceau d'investigation et d'action.

En revanche, on conçoit que des théoriciens prisonniers de la théorie ne puissent à aucun moment s'engager dans une telle direction. (...)

L'U. J. C. et le centralisme.

La conséquence inéluctable d'un pareil comportement politique, c'est que l'U. J. C. réclame pour chaque détachement particulier, c'est-à-dire pratiquement pour elle-même, le droit à la centralisation la plus rigoureuse et se déclare satisfaite d'aller au peuple pour lui transmettre la vérité.

Quiconque pourrait penser qu'il y a là de notre part une exagération ou une déformation se reportera utilement au 5e numéro de Garde rouge déjà plusieurs fois cité : " En premier lieu, le renforcement de l'U. J. C. (m.-l.) et de son organisation propre constitue pour nous dès maintenant une contribution importante à l'édification du Parti, dont notre Union sera nécessairement un élément constitutif.

Nous avons, au cours de notre lutte interne, conquis la majorité réelle des étudiants communistes de l'U. E. C. pourrissante, nous avons, dans la suite de notre travail, et en particulier dans l'action de masse contre l'impérialisme américain, démontré que nous dirigions effectivement les luttes des étudiants progressistes.

Mais nous ne pouvons ignorer qu'il nous reste encore beaucoup à faire pour entraîner la masse des étudiants dans notre combat, renforcer notre organisation et nos formes d'action à l'Université, consolider le mouvement anti-impérialiste en développant son contenu populaire, enfin et surtout lier effectivement la lutte des étudiants à celle des travailleurs, entraîner de plus en plus d'étudiants dans le soutien aux grèves et aux mouvements revendicatifs... renforcer l'U. J. C. M. L., c'est également assurer son implantation parmi les jeunes travailleurs et jeter les bases de l'unité organique de la Jeunesse Communiste... "

II est ainsi supposé que la jeunesse constitue le fondement même d'une organisation indépendante et autonome, capable de trouver sa voie en tant que détachement isolé à l'intérieur du monde capitaliste.

Et, par conséquent, priorité est ici donnée à la jeunesse en tant que classe d'âge sur le prolétariat en tant que classe sociale porteuse de l'avenir du monde.

Ajoutons que, dans la jeunesse elle-même ce sont les étudiants qui apparaissent, non seulement comme des initiateurs, mais aussi comme les maîtres à penser, comme les dirigeants désignés.

Nous en arrivons toujours à la même conclusion : il faut laisser les étudiants, les intellectuels se constituer en détachement théorique autonome.

Lorsqu'ils détiendront la vérité - acquise hors de la pratique ouvrière et vérifiée par la seule " pratique théorique " - ils se présenteront devant les masses qui, elles, n'ont pas accès aux fondements théoriques mais à une traduction déformée de la théorie marxiste : l'idéologie ouvrière.