L'Italie entre Rouge et Noir

Article paru dans Front Social

 


" J'hésitais encore à entrer en politique. Je l'ai fait le mois suivant. Je lui ai demandé [à ma mère] : " Que dois-je faire pour l'Italie ? Les communistes sont restés les mêmes. Ils détruiront bientôt le pays.

Il n'y aura plus de liberté, plus de possibilité de travailler ".

Elle m'a répondu simplement : " Si tu sens que le devoir t'appelle, tu ne dois pas te dérober. Trouve le courage défaire ce que bon te semble " [Silvio Berlusconi].

L'actualité politique italienne montre une chose : un spectre hante l'Europe. Berlusconi, à la tête d'un empire de 300 sociétés, fait une campagne contre... le communisme.

Ce représentant et membre de la bourgeoisie impérialiste n'a que le communisme en tête, alors qu'on est tout de même loin des années 1970...

Nous sommes ainsi en 2001 et la campagne politique réactionnaire contient encore et toujours l'anticommunisme comme contenu... Comme quoi l'histoire avance, inéluctablement.

Et que même si le prolétariat ne le sait pas encore vraiment très bien, la bourgeoise en a déjà peur...

Et comme quoi l'Histoire bégaie quand elle est en retard : la vision du monde de Bossi, le leader de la Ligue lombarde, est ouvertement raciste et antisémite.

Quand à Gianfranco Fini, le troisième allié du " Cavalière ", le leader de l'Alliance nationale " postfasciste ", il considérait encore ouvertement il n'y a pas si longtemps Mussolini comme le plus grand homme d'Etat du vingtième siècle...

Les Noirs, les fascistes, ne se gênent pas pour faire monter la pression. Il y a ainsi eu un attentat contre le quotidien de gauche " II Manifeste ".

Huit révolutionnaires du groupe marxiste-léniniste légal " Initiative Communiste " ont été arrêté et accusé d'être les Brigades Rouges, puis d'avoir des liens avec elles.

En France les représentants de la petite-bourgeoisie ont critiqué l'arrivée au pouvoir de Berlusconi. La bourgeoisie au pouvoir, soit, mais pas seulement dans sa version monopolistique....

Il est vrai que Berlusconi domine un empire de communication, une compagnie d'assurances, un club de foot, une chaîne de distribution, et qu'en France le masque démocratique n'est pas tombé à ce point là.

L'arrivée de Berlusconi au pouvoir en Italie est donc un beau prétexte pour rajouter un peu de vernis démocratique sur un Etat français tout aussi au service des monopoles mais, il est vrai, avec une certaine volonté de bien intégrer les classes moyennes.

En Italie, tout cela est bien plus difficile pour la bourgeoisie, qui n'a par ailleurs pas vraiment apprécié, juste avant les élections, de voir des documents des Brigades Rouges envoyés à des syndicalistes, dans des usines...

Pendant que le Noyau d'Initiative Prolétaire Révolutionnaire (NIPR) faisait un attentat de plus contre une institution italo-américaine, et que les Noyaux Territoriaux Anti-impérialistes (NTA) envoyaient un communiqué d'appui à l'action !

Certains camarades d'Italie ont trouvé cette action politico-militaire déplacée ; il est vrai que juste avant les élections ce genre d'actions sert souvent de prétexte à la réaction pour marquer des points (les patriotes basques en ont ainsi payé le prix récemment avec la multitude d'actions très dures d'ETA juste avant les élections).

Mais ce que critiquent ces camarades, c'est également la stratégie : la question de la ligne de masse est au centre de leurs préoccupations. Parlons justement de l'activité de ces révolutionnaires-là, celle des autres camarades étant suffisamment clairement documenté dans l'historique des Brigades Rouges dans ce même numéro.

Tout est parti d'un appel publié dans le numéro 6 de La Voce, le journal paraissant dans la clandestinité par la non moins clandestine Commission Préparatoire (CP) du congrès de fondation du nouveau Parti communiste italien.

Cet appel demande à s'unir en " Front pour la reconstruction du parti communiste " et à se présenter sous cette dénomination aux élections politiques (que la bourgeoisie aurait annoncées peu de temps après) " pour lier un nombre majeur de travailleurs avancés et de membres avancés des masses populaires (femmes et jeunes en premier lieu) au travail de reconstruction du parti et pour créer entre les masses populaires un terrain plus favorable au travail de reconstruction du parti communiste ".

Défendre un appel aux élections dans Front Social peut paraître étrange, mais nous ne défendons pas cela ici, nous ne sommes pas la CP. Mais nous disons : si des camarades maoïstes développent une pratique, il faut l'évaluer, apprendre de cela, quitte à avoir à les critiquer. Comme le dit Mao, " sans enquête, pas de droit à la parole ".

Et Lénine, dans la guerre de partisans, nous disait : " Le marxisme ne répudie d'une façon absolue aucune forme de lutte. En aucun cas, il n'entend se limiter aux formes de lutte possibles et existantes dans un moment donné ; il reconnaît qu'un changement de la conjoncture sociale entraînera inévitablement l'apparition de nouvelles formes de lutte, encore inconnues aux militants de la période donnée.

Le marxisme, sous ce rapport, s'instruit, si l'on peut dire, à l'école des masses ; il est loin de prétendre faire la leçon aux masses en leur proposant des formes de lutte imaginées par des " fabricants de systèmes " dans leur cabinet de travail ".
Que dit la CP ? Que, " en Italie, la reconstruction du parti communiste, c'est aujourd'hui le centre de l'affrontement entre classe ouvrière et bourgeoisie impérialiste.

Seule la reconstruction du parti communiste et son renforcement, jusqu'à en faire l'avant-garde organisée de la classe ouvrière, rendront à nouveau la classe ouvrière protagoniste de l'affrontement politique, c'est-à-dire de l'affrontement pour le pouvoir de l'État. Celui qui, aujourd'hui, se donne un autre objectif principal que celui de la reconstruction du parti communiste, disperse ses forces et ses ressources et favorise la diversion ".

C'est pour cela que la CP critique très durement le NIPR, et que le Parti Communiste d'Espagne (reconstitué), qui aujourd'hui rejette totalement la CP, l'appuyait en 1999 en assassinant verbalement les Brigades Rouges pour s'opposer à ce projet en menant des actions indépendantes.

A qui s'adresse la proposition de Front ?

Aux FSRS, c'est-à-dire les Forces Subjectives de la Révolution Socialiste.

Comment se définissent-elles ?

A partir des Six Lignes de démarcation suivantes ; les FSRS se situent nettement, pour chacune de ces lignes de démarcation, sur le premier front, voire sur le deuxième :

" Les Forces Subjectives de la Révolution Socialistes (FSRS) se situent aujourd'hui assez clairement par rapport aux quatre lignes de démarcation politiques (concernant les tâches actuelles) et aux deux lignes de démarcation idéologiques (concernant la conception du monde -matérialisme dialectique - comme il se manifeste dans le bilan de l'histoire du mouvement communiste).

1. Premièrement entre :

- celles qui ont comme objectif principal dans cette phase
la reconstruction du parti communiste.

- celles qui ont comme objectif principal dans cette phase
la "mobilisation des masses", la "création d'un mouvement
de masse", la "création d'un bloc social antagoniste", la
"recomposition du prolétariat", la "promotion de
campagnes de luttes de revendication", etc. ou alors qui
mettent ces objectifs sur le même plan que la
reconstruction du parti communiste (voir p.ex. la
Confederazione dei Comunisti Autorganizzati).

2. Deuxièmement entre :

- celles qui, pour créer les conditions de la constitution du
nouveau parti communiste, s'unissent à la résistance que
les masses populaires opposent au développement de la
seconde crise générale du capitalisme.

- celles qui pensent créer les conditions pour la
constitution du nouveau parti communiste "en étudiant",
"en formant des cadres" (ils constituent des comités et des
groupes d'étude ou, au maximum, de propagande - voir p.
ex. le "chemin vers le parti" indiqué dans un document par
la rédaction de Nuova Unità de Turin, document envoyé à
l'assemblée de Florence le 14.03.98, celui poursuivi par le
Cercle Lénine de Florence, etc.)

3. Troisièmement entre :

- celles qui pensent que le parti communiste peut avoir la
reconnaissance des masses s'il a les caractéristiques
adéquates aux tâches que la situation objective lui
demande, mais qu'il l'obtiendra seulement à travers une
vérification que les masses pourront en faire dans la
pratique d'une lutte relativement longue ; par conséquent
ils pensent que l'essentiel pour la constitution du parti,
c'est d'avoir une ligne politique juste et d'être capable de la
poursuivre.

- celles qui, avant de constituer le parti, veulent "être
nombreux", "avoir la reconnaissance des masses", "avoir
l'adhésion des avant-gardes des masses", etc.

4. Quatrièmement entre :

- celles qui conçoivent le nouveau parti communiste
comme un parti hors du contrôle de la bourgeoisie.

- celles qui conçoivent le nouveau parti communiste
comme un parti qui vit et travaille principalement grâce
aux libertés politiques conquises avec la Résistance (1943-
1945) et jamais officiellement abrogées et de fait pas
encore complètement abrogées.

5. Cinquièmement entre :

- celles qui donnent une évaluation principalement
positive de la construction du socialisme en URSS sous la
direction de Staline et de l'activité de l'Internationale
Communiste, qui avaient conduit le mouvement
communiste vers les grands résultats du début des années
50 (un champ socialiste qui allait de l'Europe Centrale au
Pacifique et une énorme influence sur les masses
populaires du reste du monde, en particulier aussi des pays
impérialistes).

- celles qui donnent une évaluation principalement
négative ou ambiguë de la construction du socialisme en
URSS sous la direction de Staline et de l'activité de
l'Internationale Communiste.

6. Sixièmement entre :

- celles qui se battent contre le révisionnisme dit moderne
(par rapport au révisionnisme de Bernstein & C. qui fut la
déviation - la ligne noire - qui se manifesta dans la
Deuxième Internationale contre l'avancement de la
première vague de la révolution prolétarienne) en tant que
déviation qui s'est manifesté à l'intérieur du mouvement
communiste vis-à-vis des nouvelles tâches demandées par
le niveau que le mouvement même avait atteint pendant la
première vague de la révolution prolétarienne et par la fin
de la première crise générale du capitalisme ;

déviation qui, en 1956, a pris la direction du PCUS et de tant
d'autres partis et en 1976 aussi du PCC et qui, dans
l'histoire de chaque pays socialiste, distingue nettement la
période de la construction du socialisme de la période de
l'érosion et de la corruption des germes de communisme.

- celles qui, dans l'histoire de chaque pays socialiste, ne
distinguent pas nettement la période de la construction du
socialisme de la période où s'est développée la tentative de
réinstaller graduellement et pacifiquement le capitalisme,
celles qui dans l'histoire du mouvement communiste ne
font pas de différence entre la période d'avancement
jusqu'à la création du champ socialiste et la période
successive de régression (après laquelle suit la renaissance
en cours en ces années-là à l'intérieur de la deuxième crise
générale du capitalisme) et qui ne se battent pas contre le
révisionnisme moderne comme ligne qui a pris la
direction dans le PCUS depuis 1956 et qui a emmené à la
ruine une grande partie du champ socialiste et à la dissolution une partie des partis communistes constitués par l'Internationale Communiste " (extrait de Rapport! Sociali n. 19, Août 1998).

A Front Social, nous n'appliquons pas ce principe de " FSRS ". Nous raisonnons en terme d'autonome ouvrière, c'est-à-dire : s'agit-il de gens voulant rester dans les institutions, ou pas ?

Les premiers ne nous intéressent pas.

Les seconds, par contre, oui ! La définition de FSRS est plus ouverte (moins " sectaire "), puisque la CP y intègre des organisations dont nous ne voulons même pas entendre parler de leur équivalent en France.

La CP justifie cela ainsi : " L'adhésion à l'une ou à l'autre organisation pour la plupart des membres au début est liée au hasard, tel est encore la confusion.

Ceci constitue la faiblesse de chaque FSRS comme la condition de sa contribution potentielle à la reconstruction du parti.

L'aspect arriéré des conceptions, des objectifs, des méthodes et des lignes de chaque FSRS se traduit et se révèle dans les oscillations, les incertitudes et les incohérences de ses mots d'ordre et de ses initiatives et dans le fait que la plupart de ses adhérents la quittent à brève échéance, engendrant un renouvellement d'autant plus rapide que ses dimensions sont grandes.

Dans chaque FSRS se déroule, souvent sans que ses membres se rendent compte, une lutte entre deux tendances opposées: d'un côté il y a la tendance vers le communisme et donc vers le parti communiste, de l'autre côté il y a la tendance à devenir une expression organique de l'une ou de l'autre des formes du révisionnisme moderne et de l'hégémonie idéologique de la bourgeoisie.

Cette lutte est en cours en chaque FSRS. Par conséquent, ceux qui luttent d'une façon correcte pour la reconstruction du parti communiste possèdent des alliés à l'intérieur de chaque FSRS.

Malgré leurs limites, les FSRS représentent ce qui reste du mouvement communiste en Italie, en tant que mouvement conscient et organisé.

Elles sont aussi l'expression plus avancée de la résistance que les masses populaires opposent contre la progression de la crise du capitalisme.

Le nouveau parti communiste peut naître seulement à travers la séparation au sein des FSRS et dans chaque FSRS, entre ce qui se transforme et progresse et devient communiste et ce qui refuse la transformation, régresse et ira dans le camp de la bourgeoisie impérialiste.

C'est un cas concret de la loi : " un " se divise en " deux ".

La lutte que nous menons et que chaque communiste doit mener sur le front des FSRS consiste dans l'élaboration, la délimitation, le renforcement et la concentration de ce qui est conforme au patrimoine du mouvement communiste et adéquat à ses tâches, en le séparant de ce qui ne l'est pas et en s'y opposant pour l'abandonner et l'expulser.

C'est un principe qui dirige chaque aspect du travail sur le front des FSRS et qui permet de comprendre les lois de ce travail.

Chacun doit conduire ce travail sous différents plans : élaboration du programme du futur parti communiste, critique des conceptions erronées ou arriérées, expériences communes de travail de masse et bilan commun des expériences, activité de construction de l'organisation, de propagande et de recrutement cohérent avec la priorité de l'objectif de la reconstruction du parti ".

II faut bien comprendre le contexte italien pour saisir la proposition de la CP à la participation aux élections. " La bourgeoisie impérialiste essaie de casser cette lutte à coups d'intimidation mélangés avec de la confusion.

L'intimidation consiste en mille vexations de tout genre : amendes pour "presse clandestine", pour affichage et d'autres activités de propagande, perquisitions, arrestations, identifications, saisie de matériel, dénonciations, signalisation publique au poste de travail ou d'habitation en tant que "terroriste", licenciements et persécution au travail.

La manifestation la plus éclatante de l'intimidation a été l'instruction pénale rendue publique le 19 Octobre 1999 et toujours en cours à charge de 88 camarades des CARC (Comités d'Appui à la Résistance - pour le Communisme, une organisation maoïste) et d'autres FSRS pour "association subversive".

Côté confusion, nous trouvons le soutien donné sous différentes formes par la bourgeoisie aux déviations militaristes et économistes présentes parmi les FSRS ; une campagne de désinformation avisée et articulée autour de l'activité et des objectifs des FSRS engagées dans la reconstruction du parti communiste, en particulier contre les CARC : dans cette campagne la reconstruction du parti communiste est présentée aux masses comme une seule et même chose avec le militarisme ".

Ce qui est intéressant, c'est que cette critique est la même que le groupe maoïste Rossoperaio fait aux CARC : " la bourgeoisie vous appuie en parlant de vous ! ".

Pour nous tout cela est un peu court comme argument, mais bon passons, regardons comment la CP se défend en ce qui concerne sa position aux élections : " Dans le milieu des FSRS italiennes, les opposants envers notre initiative sont de deux sortes. Certains soutiennent qu'il ne faut pas s'occuper de la campagne électorale, d'autres qu'il faut faire de la propagande pour l'abstention.

Les premiers laissent les travailleurs avancés et les masses en général à la merci de la droite bourgeoise qui pousse pour la mobilisation réactionnaire des masses et de la gauche bourgeoise (le centre gauche) qui va à la remorque de la droite et qui essaye de subjuguer les masses en demandant "une voix contre la droite".

Les secondes se partagent entre abstentionnistes de principe et réformistes.

Les abstentionnistes de principe diffusent une espèce de parlementarisme à l'envers (ils placent dans l'augmentation des abstenus les illusions transformatrices que les "parlementaristes" placent dans l'augmentation des voix) qui est pire que le parlementarisme même (parce qu'il ne rassemble pas et ne mobilise pas les masses vers l'activité politique, mais les désagrège et les éparpille encore davantage).

Les réformistes font la propagande pour l'abstention comme forme de pression sur les partis de la gauche bourgeoise et donc confirment la subordination des masses et la leur à la gauche bourgeoise.

Le manque d'intérêt pour les élections et la campagne pour l'abstention sont, dans les conditions que nous venons de décrire, vis-à-vis de l'initiative que nous avons proposée, des armes moins efficaces pour combattre l'économisme et le militarisme dans les FSRS, comme pour détacher les éléments avancés des masses populaires de l'hégémonie de la bourgeoisie et les mobiliser et les réunir autour de la reconstruction du parti communiste et autour de la lutte pour la révolution socialiste.

Qu'une campagne comme celle que nous avons illustrée ne crée pas dans les masses de nouvelles illusions et une nouvelle confiance dans les élections annoncées et dirigées par la bourgeoisie impérialiste, c'est-à-dire que cette campagne n'arrête pas la crise du régime politique de la bourgeoisie, c'est évident, parce que la crise politique est produite principalement par la crise économique du capitalisme et aussi parce que dans la campagne électorale nous appelons à se mobiliser et à s'organiser pour la révolution socialiste, et non pour l'activité parlementaire : celui qui vote pour nous sait qu'il ne donne pas "un vote utile" pour les équilibres parlementaires.

Certains nous objectent qu'une campagne électorale amène de la corruption dans nos rangs, parce qu'elle va attirer parmi nous des gens encore convaincus de l'utilité de l'activité parlementaire et des élections.

Ceci serait un risque inacceptable si notre initiative n'était pas précédée par le travail pour la reconstruction du parti communiste dont nous avons indiqué plus haut les éléments principaux.

En particulier, la constitution de la CP clandestine et la persécution de la bourgeoisie rendent ce risque acceptable vis-à-vis des avantages que la campagne électorale nous apporte.

A l'objection que notre initiative a porté préjudice sur le plan électoral à la gauche bourgeoise et particulièrement au Parti de la Rifondazione Comunista (PRC), c'est-à-dire que le vote pour nous n'est pas "un vote utile", nous avons déjà répondu en soutenant que la reconstruction d'un vrai parti communiste est aujourd'hui la clef indispensable aussi pour une amélioration des conditions des masses populaires, tandis que la gauche bourgeoise n'arrête pas d'adopter et de réaliser le programme de la droite et, avec son action anti-populaire et avec la corruption des anciennes organisations des masses, accroît parmi les masses mêmes le dégoût et la déception envers la gauche bourgeoise augmentant les partisans de la droite.

A l'objection que nous ne sommes pas assez enracinés à l'intérieur de la classe ouvrière et des masses populaires pour obtenir un succès aux élections (c'est-à-dire pour ramasser les signatures et les ressources nécessaires pour déposer les listes électorales et encore moins pour avoir des élus : pour ceci il faut obtenir minimum un million de voix) nous répondons que nous menons notre campagne électorale justement parce que nous ne sommes pas encore assez enracinés à l'intérieur de la classe ouvrière.

Le FP-rpc probablement va ramasser seulement quelques milliers de signatures [ce fut bien le cas], en tout cas un nombre insuffisant même pour le dépôt officiel des listes qui permettrait de figurer dans les bulletins de vote.

L'objectif de notre campagne aujourd'hui ne consiste pas dans le nombre de signatures ou de voix ramassées, mais dans le renforcement de la gauche des FSRS, dans le nombre d'éléments avancés réunis autour d'un travail de reconstruction du parti et dans une attention et une sympathie plus grandes vis-à-vis de ce travail de la part des masses.

Cependant, c'est de la démagogie ou de la naïveté de réduire les divergences entre les FSRS, légales et clandestines, aux questions de la construction du Front et de la participation aux élections, comme se limitent à faire certains "objecteurs".

Avec la plupart des FSRS italiennes il faudrait d'abord parler d'autre chose !

L'appel à constituer le Front pour la reconstruction du parti communiste (FP-rpc) et à participer à l'actuelle campagne électorale suppose en effet un certain accord avec le plan de construction du parti indiqué à grands traits plus haut. Les divergences parmi les FSRS aujourd'hui sont bien plus profondes.

Nous avons déjà souligné (p. ex. avec l'opuscule Martin Lutero, Octobre 1999) la position des nouvelles Brigades Rouges pour la construction du parti communiste combattant (nuoveBR-PCC), qui soutiennent (Comunicato du 20 Mai 1999) que le centre de l'affrontement entre classe ouvrière et bourgeoisie impérialiste aujourd'hui n'est pas dans la reconstruction du parti communiste, mais dans un "projet politique néo-corporatif que la bourgeoisie impérialiste essaie d'imposer avec l'aide des syndicats de régime et des organisations reliées (zone du centre gauche).

A notre connaissance, les nuove BR-PCC, jusqu'à présent, restent dans l'opinion que la tâche des communistes dans cette phase, est de faire échouer ce fameux "projet politique néo-corporatif à travers des attentats contre ses principaux promoteurs.

De l'autre côté certaines FSRS donnent des versions très erronées des tâches des communistes dans cette phase. Certaines (p.ex. la zone Coordinamento Comunista dont font partie Rete dei comunisti, Movimento per la Confederazione dei Comunisti, Su la testa-altra Lombardia, Coordinamento comunista napoletano, Associazione Culturale "II Lavoratore" de La Spezia, la revue Contropiano) soutiennent que la clef pour changer le rôle de la classe ouvrière dans le mouvement politique en Italie se trouve dans le développement d'un grand mouvement revendicatif de masse ;

et, pour elles, il serait possible de développer un tel mouvement même en l'absence d'un vrai parti communiste et que le parti pourrait se constituer seulement comme couronnement de ce grand mouvement revendicatif de masse. Très proches de celles-ci sont les FSRS (comme p. ex. MPA, Inchiesta Operaia, AsLO, etc.) qui soutiennent que les FSRS et les communistes dans cette phase doivent réunir les ouvriers avancés en des "coordinations ouvrières" (nationales ou internationales) qui s'occupent des intérêts immédiats (économiques, syndicaux, bref revendicatifs) des ouvriers en essayant d'impliquer les mêmes ouvriers dans des luttes revendicatives pour réaliser ces intérêts immédiats.

D'autres FSRS combinent d'une autre façon la constitution du parti et les luttes syndicales. Rossoperaio (adhérent au MRJ) par exemple vient de publier ses Thèses programmatiques (grosso modo cohérentes avec son activité pratique) où il affirme :

1. Qu'actuellement dans les pays impérialistes la
bourgeoisie jouit de conditions de relative stabilité et
que le prolétariat des USA, de l'Allemagne et du
Japon (et probablement des autres pays impérialistes)
constitue une gigantesque aristocratie ouvrière,

2. Qu'en Italie les ouvriers ne peuvent compter sur
aucune autre classe susceptible de devenir leur alliée
contre la bourgeoisie impérialiste, en s'appuyant sur
ses intérêts matériels, d'ici à l'instauration du
socialisme,

3. Que la lutte politique de la classe ouvrière se traduit
en un affrontement des ouvriers avec les appareils de
l'Etat et, en attendant de pouvoir s'affronter
militairement avec l'État, avec les réformistes,

4. Que, tant que les ouvriers ne sont pas prêts à
l'affrontement, c'est aux communistes ou aux
"mouvements d'autres classes" de soutenir
l'affrontement en jouant le rôle des ouvriers,

5. Que le parti communiste mène les ouvriers à
l'affrontement en transformant leurs luttes syndicales
en lutte politique.

C'est évident qu'avec les partisans de ces conceptions-là, distinctes entre elles mais toutes ayant comme dénominateur commun, à des degrés divers, une combinaison de militarisme et d'économisme, il est difficile de parler de campagne électorale.

Les divergences sont en amont et c'est de celles-ci dont il faut discuter.

Notre proposition est adressée à la gauche des FSRS, c'est-à-dire à la partie qui retient que la tâche principale d'aujourd'hui c'est la reconstruction d'un parti qui tienne compte pleinement de l'expérience et du patrimoine du mouvement communiste et qui soit à la hauteur des tâches que la nouvelle situation révolutionnaire en développement nous pose maintenant ".