La situation en Afghanistan
et la lutte du Parti Communiste d'Afghanistan [maoïste]

Article paru dans Front Social


Le pays jusqu’en 1978

L’Afghanistan est un pays dont les traits économiques sont typiques du " tiers-monde " : semi-féodale, semi-coloniale, avec 85% des gens vivant à la campagne avant l’invasion par l’URSS.

Le pays possède de très nombreux peuples (voir la carte). 40% des " Afghans " sont des Pashtounes, la plupart vivant au Sud et à l’Ouest.

Les Tadjiks forment le deuxième groupe le plus nombreux ; existent aussi des minorités Ouzbeks, Hazaras, Turkmènes, Baloutchis, Nouristanes…

La plupart de ces groupes ont des liens linguistiques et culturels en dehors du pays ; la langue la plus usitée étant le Dari, ou Tadjik (il s’agit de la langue appelée Farsi en Iran).

Historiquement, le pays a été colonisé par l’Angleterre dans les premières années du 19ème siècle ; après deux guerres anglo-afghanes, l’Angleterre put mettre en place un Etat central servant de zone tampon entre sa colonie indienne et l’Empire tsariste.

Cet Etat était dominé par les Pashtounes, qui menèrent une politique très chauvine, s’appropriant les terres et réduisant jusqu’à l’indépendance les femmes d’origine hazarienne en esclavage. Le pays fut également appelé " Afghanistan ", les Pashtounes de la région étant appelés les " Afghans ", les noms de localité transcrits en noms pashtounes.

Dans quasiment toute l’histoire moderne du pays, les Pashtounes ont conservé le monopole de l’appareil d’Etat et de l’armée.

L’indépendance du pays fut proclamé en 1919 par le roi Amanullah Khan, qui ouvrit les portes au capital étranger et tenta de réformer de manière minime la féodalité régnante. L’Angleterre liquida alors le roi en 1929, s’appuyant sur les féodaux.

Après la seconde guerre mondiale et le rétablissement du capitalisme en URSS après 1956, la bourgeoisie compradore afghane développa des liens économiques étroits avec le social-impérialisme soviétique, mais également avec l’occident.

L’Afghanistan était encore considéré comme une zone tampon, mais cette fois entre l’URSS et les pays de la région pro-USA (liés par le pacte CENTO).

En 1978, le Parti Démocratique du Peuple (PDP), parti révisionniste représentant la bourgeoisie compradore pro-soviétique, pris le pouvoir par un coup d’état dans les villes, et demanda le soutien de l’URSS en 1979.


Le PDP au pouvoir

Le PDP était divisé en deux fractions, le Parcham (drapeau) et le Khalq (peuple). Le Khalq était pour des changements économiques rapides, en faveur de la bourgeoisie compradore et de manière totalement dépendante de l’URSS.

Le Parcham entendait être plus conciliant avec les féodaux. Le Khalq domina le PDP pendant quelques années, avant d’être liquidé et ses leaders exécutés par les soviétiques, inquiets de la croissance de l’opposition dans le pays et désireux de rétablir les privilèges du clergé et des chefs tribaux (la majorité des gens du Khalq rejoindront par la suite les Talibans).

Le social-impérialisme soviétique mena dès le départ une politique de " search & destroy ", envoyant des hélicoptères traquer les rebelles. La résistance, inorganisée au départ, pris une forme ethnique et tribale, devint une lutte contre les Pashtounes et leur allié soviétique.

Le PDP, par sa politique, rejeta vers l’Islam les forces d’opposition jusque-là liées à l’occident.

L’Islam devint le symbole idéologique de la libération, les clans et le clergé les symboles de l’autorité véritable, en opposition à l’Etat pashtoune pro-soviétique.

Les Etats impérialistes aidèrent cette tendance en fournissant matériel de propagande, armes et soutiens logistiques aux Moudjahidines.

L’aide des USA passa de 30 millions de $ en 1980 à 630 millions de $ en 1987.

Les groupes islamiques établirent leurs bases à Peshawar, au Pakistan, où ils reçurent les aides des USA, du Pakistan et de l’Arabie saoudite.

L’un des leaders les plus connus était Hikmatyar, leader du Hizb-e Islami, le " chéri " de la CIA (le groupe fut abandonné après le retrait soviétique et écrasé en 1995 par les Talibans).

La vie en exil, en Iran ou dans les camps de réfugiéEs au Pakistan, était totalement influencée par les forces islamiques. Les femmes ne pouvaient pas quitter les camps, ni même leurs tentes, ne voyant ainsi personne.

Ceux/Celles ne respectant pas les préceptes religieux risquaient gros : boire du Coca-Cola, avoir une revue occidentale… étaient des faits amenant à l’exécution.

L’hégémonie des pro-islamiques empêcha la jeunesse urbaine de rejoindre la résistance, elle préféra s’exiler.

Ceux/Celles qui adoptèrent des positions islamiques eurent leurs rêves panislamiques brisés par le racisme des IranienNEs à leur égard.

Beaucoup des islamistes partiEs en Iran quittèrent le pays, y laissant leurs convictions religieuses. Qui plus est, les islamistes établirent des pratiques féodales dans les villes " libérées " de l’occupant soviétique, menant une politique de pillage et d’instauration des lois religieuses.

Les affrontements entre clans existaient également.

Ainsi, l’effondrement économique de l’URSS et le départ des troupes soviétiques en février 1989 ne permit pas une prise de pouvoir des islamistes.


Les années suivant le départ des soviétiques

L’URSS était sorti du bourbier afghan mais contrôlait le régime dont le chef était Najibullah, qui réussira à maintenir sa domination de 1987 à 1992.

Les campagnes étaient aux mains de l’opposition, mais celle-ci était désunie, obligeant un énorme travail de la part des services secrets occidentaux, iranien, saoudien et pakistanais pour trouver une solution.

En 1992 fut menée une " révolution islamique " relativement non-violente et en alliance avec les forces pro-russe. La coalition gouvernementale préservait la nature semi-féodale semi-coloniale du pays, menant de larges attaques contre les masses et particulièrement les femmes.

Le nouveau gouvernement demanda une aide à l’occident et organisa le rétablissement des grandes propriétés agricoles. Mais toutes les armées du pays n’étaient pas représentées au gouvernement, qui possédait qui plus est en son sein des groupes voulant chacun plus de pouvoir :

Les Ekhvanis (frères musulmans) pro-USA ;

Le Mouvement Islamique National (MIN) de Rashid Astom, grande milice ouzbek organisé par l’URSS et contrôlant la majeure partie des zones industrielles et de celles possédant du gaz naturel : la milice était organisée pour préserver les intérêts du social-impérialisme soviétique en cas de "révolution " ;

La Jamaat-e Islami de Burhanuddin Rabbani et la Shora-e Nezar d’Ahmed Shah Massoud, un groupe féodal-comprador tadjik avec des liens avec la France, la Russie et l’Iran ;

Le Hizb-e Wahdat-e, un groupe chiite fondamentaliste pro-iranien de la région de Hazara.

Le gouvernement de coalition avait Rabbani comme président et Massoud comme ministre de la défense, s’appuyait sur les Tadjiks et d’autres forces non-pashtounes. L’homme de main des USA et du Pakistan, Hikmatyar, ne réussit pas à gérer la situation.

Cela inquiétait les impérialistes, qui voulaient absolument pacifier la région pour les raisons majeures suivantes :

Dans les quinze ans à venir la région de la mer Caspienne sera la deuxième source mondiale de pétrole et de gaz ; des groupes comme Exxon, Chevron, BP ou l’UNOCAL ont énormément investi et entendent étendre leurs forages ;

Les pipe-lines passent encore par la Russie, et les impérialistes occidentaux veulent les faire passer par les zones sous leur contrôle (Turquie, Afghanistan…) ;

L’Afghanistan est le plus grand producteur d’opium sans encore être directement contrôlé par les occidentaux.

Les Talibans et la guerre inter-impérialiste
du partage du pays

Les Talibans (étudiants en religion) sont apparus sur la scène politique peu de temps après un voyage d’une délégation pakistanaise au Turkménistan, où a été négocié la création d’un itinéraire commercial passant par l’Afghanistan.

Les Talibans, organisés par le Pakistan, avaient comme prétention la sécurisation des routes, la fin des attaques sporadiques de bandits, la fin de la corruption.

Les Talibans devinrent la principale force (grâce à l’aide impérialiste et le fait qu’ils soient pashtounes, les militaires et bureaucrates les soutenant), et captura Kaboul en septembre 1996.

Qui sont les Talibans ? Ils ont leur origine dans le premier groupe de frères musulmans, le Harekat Enghelab Islami (Mouvement de la Révolution Islamique) formé en 1979.

Ce mouvement avait été créé par l’ISI (services secrets pakistanais) et la SAVAK (services secrets perses) sous la supervision de la CIA, et menaient des opérations militaires dans le sud du pays.

Les écoles islamiques au Pakistan amenèrent beaucoup de jeunes recrues, qui formeront les cadres des Talibans. Le chef de ces derniers, le Mullah Mohammed Omar Akhundzadeh, avait été assigné à une " guerre contre la drogue " par l’ISI et la CIA.

Des millions d’AfghanNEs ont été obligé de quitter leurs villages voire leur pays suite à l’intervention soviétique.

Les Talibans, formés par les USA et le Pakistan, ont été créés dans les camps de réfugiés.

Le général Massoud, tout aussi barbare, a le soutien de Bernard Henri-Lévi et des " bien-pensants " car il est allié de l’impérialisme français.

A droite, photo d’Akram Yari, fondateur du mouvement mao en Afghanistan exécuté par l’URSS.

Le mouvement taliban, pashtoune chauvin, est musulman wahabi. Il s’agit d’une branche du sunnisme (l’Etat islamique iranien est chiite) qui est également dominante en Arabie saoudite. Pour les Talibans la population se divise en Mullah et en étudiants, le reste étant des moins que rien.

L’offensive taliban fut stoppée au nord du pays, par une " alliance du nord ", composé de la Jammat/Shora, le MIN et le Hizb-e Whadat-e. Cette alliance représente les intérêts russe, français, iranien, indien et ceux des républiques asiatiques de l’ex-URSS.

Alors que chez les Talibans il y a même des troupes régulières pakistanaises qui participent au combat, l’alliance du nord est aidé par… les soldats russes qui connaissent bien le pays pour l’avoir occupé !

Grosso modo, les Talibans sont dans les zones pashtounes ainsi que celles du sud et de l’ouest (soit les 2/3 du pays) ; l’alliance du nord rassemblant les Tadjiks, les Ouzbeks et les Hazaras.

L’exemple actuel de la guerre en Afghanistan montre bien que le système capitaliste mondial n’existe pas (théorisé notamment par Boukarine : le super-impérialisme) : les contradictions inter-impérialistes forment l’actualité de la zone géopolitique afghane.


Les immigréEs et réfugiéEs

Durant les années 80 3,5 millions d’AfghanEs se sont réfugiéEs au Pakistan, 2 millions en Iran, tandis que plusieurs milliers d’autres partaient en Inde ou en Occident.

A cela s’ajoute entre 2 et 3 millions de personnes qui ont été déplacé par la guerre.

A la fin de l’occupation soviétique, beaucoup de ces immigréEs sont rentréEs au pays, mais la continuation de la guerre a fait que les déplacements de population ont continué. Il y a aujourd’hui encore à peu près 1 million de réfugiéEs au Pakistan, 1,5 million en Iran.

Les réfugiéEs du Pakistan sont encadréEs par les Moudjahidines, la CIA et l’ISI (services secrets pakistanais). Ils/Elles ont longtemps été isolé de la société pakistanaise, l’interdiction de travailler n’a été levé que récemment.

Beaucoup de réfugiéEs travaillent désormais dans les mines de charbon du Baloutchistan pakistanais.

En Iran le racisme anti-afghan est fort, ce qui a abouti à de très mauvais traitements dans les camps ainsi que des massacres (plusieurs centaines de personnes).

Les réfugiéEs travaillent comme saisonnierEs, dans la maçonnerie, la construction, les services, mais n’ont pas le droit de travailler dans tout ce qui a rapport à l’alimentation, car ils/elles sont considéréEs comme " sales ".

Leurs salaires sont misérables et souvent confisqués à la frontière par les Pasdaran (gardiens de la révolution en Iran) lors de leur retour dans leur pays.

Pour les réfugiéEs en Iran l’Islam a montré sa nature féodale-compradore, et beaucoup rejette la religion. Sur les fronts des Hazaras et des Ouzbeks les non-religieux ne se cachent même plus.


La résistance : les maoïstes du PC d’Afghanistan

Le mouvement révolutionnaire en Afghanistan se fonde sur le maoïsme. Les maoïstes se sont organisés, à partir de la résistance à la ligne réformiste pro-soviétique, dans l’Organisation de la Jeunesse Progressiste (OJP) en 1964.

Leur journal, la Flamme éternelle, a eu un tel écho que jusqu’à aujourd’hui les révolutionnaires-démocrates ont le surnom populaire de " flammistes " (Sholei en langue Dari).

Les maoïstes ont été durablement affaibli par la contre-révolution en Chine populaire ainsi qu’évidemment par l’énorme vague de répression menée par le social-impérialisme soviétique, qui liquida notamment le fondateur du mouvement, Akram Yari.

Néanmoins, les communistes surent résister grâce à leur ancrage dans les masses et formèrent de nombreux groupes luttant contre l’occupation soviétique.

Au milieu des années 80 se forma une ligne politique à la fois contre les islamistes et l’URSS ; ses partisanEs se réunirent dans la Cellule Révolutionnaire des Communistes d’Afghanistan.

En 1990 eut lieu l’unification de ce groupe avec l’Union des Marxistes-Léninistes d’Afghanistan, qui formèrent ensemble l’Organisation des Communistes Révolutionnaires d’Afghanistan, qui se transforma en 1991 en PC d’Afghanistan.

Peu de temps après un autre groupe décida de rejoindre le Parti : Le Comité de Propagande et d’Agitation du Marxisme-Léninisme pensée Mao-Tsé-Toung.

L’objectif du PCA est la révolution de nouvelle démocratie et l’établissement d’une dictature populaire démocratique.

Pour cela il faut que les masses populaires aient leur propre armée, il faut que soit menée une guerre populaire organisée à partir des campagnes, ce qui fait que tous les efforts du PCA vont en ce sens.

Ce qui ne signifie pas que le PCA ne soit pas à l’avant-garde de la lutte révolutionnaire-démocratique, notamment concernant la question des femmes.

" Il est clair [qu’un front révolutionnaire uni] se fonde sur l’unité ouvrière-paysanne, et que sa formation sera basiquement possible après le commencement de la guerre populaire et l’établissement de bases révolutionnaires.

Mais cela ne signifie en aucun cas qu’à l’étape présente de la lutte nous ne devons pas chercher une forme de front populaire révolutionnaire ou des alliances temporaires ou permanentes avec des forces nationales-démocratiques ou des individus voulant la liberté et la révolution contre la domination théocratique de la réaction " (Flamme éternelle n°18).


La résistance des femmes contre l’oppression masculine


L’oppression des femmes a été documenté en France de manière importante, et par les féministes, et par les impérialistes français voulant par-là amener le soutien à Massoud.

Rappelons brièvement les faits.

Les femmes doivent porter un voile noir couvrant l’intégralité de leurs corps. Elles n’ont pas le droit de travailler ni d’aller à l’école ; elles n’ont pas le droit de marcher dans les rues, d’aller dans les magasins ou dans les hôpitaux sans être accompagné d’un homme qui soit soit son mari, soit son père, soit son frère.

Les bains publics leurs sont interdits.

Durant l’occupation soviétique les forces islamiques ont empêché les femmes de participer à la résistance : cela a beaucoup joué, il suffit de connaître les mouvements de libération de la femme des Mouvements de Libération Nationale démocratiques-révolutionnaires (PKK, FLN algérien, etc.).

Lors d’une dispute où un homme est tué, une femme est souvent donnée comme " réparation " ; les viols sont courants lors des " conquêtes " des diverses forces islamiques.

Les femmes sont mariées très jeunes, après avoir jusqu’à l’âge de douze ans appris à cuisiner, s’occuper de la maison et des jeunes enfants, etc.

Il faut savoir que l’oppression de la femme n’est pas nouvelle, et est commune à toutes les forces islamiques, pas seulement aux Talibans.

Tout le discours récent entendu en France provient du fait que les Talibans sont allés un peu plus loin que les autres et surtout que la France a besoin du général Massoud.

C’est pourquoi la résistance des femmes commence à apparaître, après des décennie de domination masculine. Lors de l’attaque par les Taliban de Mazar-e harif, les femmes ont pris les armes pour lutter contre eux. Il y a même eu des cas où les Talibans ont été attaqué par des femmes avec des couteaux de cuisine.

La résistance en exil s’organise (grâce au PCA), à un point tel que même la presse pakistanaise a été obligé de la mentionner. Nombre de femmes ont perdu leur vie pour maintenir ouvert les bains publics ou organiser des écoles clandestines.

Les femmes des villes, qui ont souvent perdu leur mari et ont été obligé de travailler, notamment dans les industries et les services à Kaboul, ont la haine des Talibans, qui leur interdisent de travailler.

Le PCA, à ce sujet, affirme que la contradiction entre les hommes et les femmes " est différente des contradictions de classe et nationales, et nécessite des méthodes différentes pour la résoudre.

Mais son existence est un l’un des traits principaux de la structure mi-féodale mi-coloniale de l’Afghanistan. L’oppression des femmes ne doit en aucun cas être considéré comme une question secondaire.

Non seulement elle supprime les droits individuels et sociaux de la moitié de la société, mais les relations inhumaines associées à cette oppression… agissent comme un facteur majeur dans la préservation et le renforcement des relations semi-féodales semi-coloniales dominantes " (Principes de base du PCA).