Brigada Internacional est
le nom de notre honneur

Article paru dans Front Social


Petit historique d'une des plus formidables contributions à l'internationalisme prolétarien

L'internationalisme prolétarien a toujours été une réalité depuis la formation de la première Internationale par Karl Marx.

A chaque fois qu'en un point du monde des événements révolutionnaires se sont produits des militantEs révolutionnaires sont partiEs là-bas.

Che Guevara est évidemment l'une des personnes qui vient immédiatement à l'esprit quand on pense à l'internationalisme, parce que son appel à se " reconnaître " dans le peuple vietnamien dans sa lutte contre les U$A, à vaincre ou à périr avec lui, est resté dans les coeurs et les consciences.

Mais il y en a bien d'autres. Michèle Firk par exemple, militante révolutionnaire de France, tombée en 1968 dans les rangs des Forces Armées Rebelles du Guatemala.

Plus proche de nous, en 1991, tombait la militante révolutionnaire de Suisse Barbara Kistler dans les rangs du PC de Turquie (Marxiste-Léniniste) [TKP(ML)].

Les peuples ont toujours reconnu la valeur de ceux et celles qui luttaient selon les principes de l'internationalisme. Ainsi les VietnamienNEs, après l'attaque de la Fraction Armée Rouge (RAF) en Allemagne contre l'ordinateur central de l'armée US coordonnant les bombardements contre leur pays, ont brandi des portraits des prisonnierEs de la RAF.
Il va de soi que les Brigades Internationales ont eu cette même reconnaissance.

Le 26 juillet 1936, à Prague en Tchéquoslovaquie, l'Internationale Communiste et le Profintern (L'internationale Syndicale Rouge) décident de soutenir l'Espagne révolutionnaire et financièrement et en envoyant un contingent de 5000 volontaires.

Les PC de chaque pays reçurent l'ordre d'organiser des contingents de volontaires (en refusant les chargés de famille, les militaristes, etc.), tandis qu'au niveau international fut coordonné le transport des volontaires vers l'Espagne. Le 11 Octobre 1936 partit le premier convoi, pour arriver le 14 Octobre à Albacete (qui fut la base des Brigades pour un an et demi).

Numéro de la Brigade Date de formation
Nom
Bataillons
Nationalité

XI Oct. 1936
Thälmann
1.Thälmann 2.Edgar André 3.Hans Beimler 4.12.Février
allemande scandinave autrichienne

XII Nov. 1936
Garibaldi
1.Garibaldi 2.-4. Bataillon italo-espagnol sans nom
italienne espagnole

XIII Déc. 1936
Dombrowski
1.Jaroslaw Dombrowski 2.Tchapaïeff 3.Mathias Rakoski 4.Adam Mickiewicz
polonaise russe bulgare hongroise yougoslave

XIV Déc. 1936
Marseillaise
1.Commune de Paris 2.Henri Vuillemin 3.Henri Barbusse 4.Pierre Brachet 5.6 de febrero française (tous les bataillons)

XV Juillet 1937
Lincoln/Washington
1.Abraham Lincoln 2.George Washington 3.Mackensie-Papineau
américain canadien britannique

Furent alors formées les 5 brigades classiques (allant des numéros XI à XV), organisées par nationalités et prenant le nom d'événements ou de personnes importantes pour la classe ouvrière.

A côté des 5 brigades existaient également des " Brigadas Mixtas " ainsi que de petites unités internationales à l'intérieur même de l'armée républicaine.

Les brigadistes provenèrent de 53 nations, et furent 40-50.000 (avec un roulement: les Brigades Internationales étaient composées de 10-15.000 personnes). Environ 8000 de ces 40-50.000 brigadistes étaient d'origine juive.

Les Brigadistes possédaient un organe de presse, " El Voluntario de la Libertad ", organisé par le responsable italien du commissariat politique, Luis Longo " Gallo ", mais disposaient également d'une infrastructure sanitaire (cliniques, personnels...) organisée par un envoyé des PC des USA et du Canada: Norman Bethune.

On retrouvera Bethune auprès de Mao, qui a pi profiter pour la guerre de libération de l'expérience médicale de Béthune (qui mourra en Chine).

Les Brigadistes avaient aussi un service postal, une école de guerre où était formé les officiels et les commissaires politiques, des ateliers et deux petites usines où étaient fabriquées des grenades.

Les Brigades étaient considérées comme des troupes d'élites et ainsi placées à l'avant-garde des troupes. Elles jouèrent un rôle extrémêment important dans la défense de " Madrid la rouge " dans ce qui a été appelé la " bataille de Madrid " (Novembre 1936 - Mars 1937).

Les Brigades XI et XII étaient actives au centre de l'Espagne, les Brigades XIII et XIV avant tout au sud, afin de bloquer aux troupes franquistes l'accès à la côte andalouse.

Une autre ligne de front s'établit sur l'Aragon (le front de l'Ebro).

Les Brigades étaient après quelques semaines de repos envoyées au front en première ligne, et les chiffres sont douloureux: 17% de tués, 13% d'invalides, 13% de faits prisonniers, de déserteurs et de disparus, 50% de blessés.
En Octobre 1938 les Brigades furent dissoutes, suivant l'accord du ministre-président Negrin avec les franquistes quant au retrait général des troupes étrangères. En novembre les brigadistes partant sont salués par 300 000 personnes à Barcelone.

Mais de 13.000 volontaires seuls 4.600 partirent.

Les autres, italiens, autrichiens, allemands, ne pouvaient plus retourner dans leurs pays respectifs, et restèrent donc pour se battre. Les restes des brigades XI, XII et XIII (les Français pouvant encore aller chanter la Marseillaise en France) furent ainsi encore utilisées en janvier 1939 pour briser la grande offensive franquiste en Catalogne.

Le 9 février 1939 le front s'écroula, l'Espagne républicaine meurt pour longtemps, l'intervention des Brigades Internationales permettant néanmoins la fuite de la population civile vers la France.

Quelle était la nature de la guerre d'Espagne? "

La guerre en Espagne, une guerre civile? Sûrement, mais ce n'était pas que cela. Cela induit en erreur que de s'imaginer cet événement comme une lutte entre deux partis qui se bagarrent pour arriver au pouvoir.

La guerre avait un caractère de guerre civile dans la mesure qu'elle présente la plus haute forme de lutte où s'affrontent depuis des décennies les posédants et ceux qui ne possédent rien. Mais c'était également une guerre de défense de la république et de la démocratie face à une mutinerie militaire de type fasciste. De là le caractère antifasciste de cette guerre (...). Avec la révolution, lancée par la mutinerie militaire, il s'agissait aussi d'une guerre révolutionnaire. Tout cela forme un tout inséparable " (Dolores Ibarruri).

La camarade Dolores, responsable du Parti Communiste d'Espagne (PCE), avait été surnommé "La Pasionaria " pendant la guerre d'Espagne, à cause de ses grands discours en défense de la République, ainsi qu'avec le slogan qu'elle a été la première à mettre en avant: " No pasaran! " (Ils ne passeront pas!).

C'est une belle ironie de l'histoire qu'aujourd'hui en France les milieux anarchistes se revendiquent de ce slogan, parce qu'il est en fait vraiment caractéristique de la politique menée alors par les communistes en Espagne, politique que les anarchistes ont toujours critiqué.

En effet, le PCE refusait toute revendication révolutionnaire afin de pouvoir faire en sorte que les classes moyennes et la petite-bourgeoisie rejoignent les classes ouvrières et paysannes dans la défense de la république.

Le PCE s'opposait ainsi à la CNT (Confédération Nationale du Travail), dont de nombreuses tendances (d'autres étant gouvernementales et réformistes) prônaient une socialisation immédiate des campagnes (et la menèrent là où c'était possible). Dans les villes également la CNT mena également des socialisations (dans les transports par exemple).

Le PCE refusait cette option car pour lui il s'agissait d'abord de gagner la guerre, comprise comme lutte générale contre le pouvoir absolutiste de l'oligarchie. Cela signifiait rassembler l'ensemble des classes sociales dans un " frente popular ", et non pas mener la révolution tout de suite, car les classes moyennes et la petite-bourgeoisie basculeraient alors dans l'autre camp.

Le PCE a-t-il eu raison? D'un côté, il faut bien voir que les masses populaires avaient de facto pris le pouvoir en de nombreux endroits, notamment par l'intermédiaire des structures syndicales (anarchistes) existantes.

De l'autre cela était limité régionalement (même si très intéressant), et à côté de la plaque si l'on considère que les fascistes étaient en pleine offensive.

Cela n'a pas servi que de mener la révolution dans le camp républicain (en guerre), alors que ce camp n'était pas uni dans cette option, mais l'était par contre dans la guerre antifasciste.

On notera que certainEs anarchistes, plus conséquentEs que la majorité de la CNT d'alors, prônait la transformation de la " guerre antifasciste " en " guerre révolutionnaire ", notamment Durruti.

Durruti prônait la révolution contre l'aile réformiste de la CNT, ce qui l'amenait à des positions révolutionnaires radicales théoriquement justes, mais se heurtant à la réalité du combat antifasciste.

L'option de Durruti sera loin d'être accepté, à un point tel que l'on ne sait pas si la balle dans le dos qu'il a reçu provient des anarchistes réformistes ou des partisans du PCE.

L'union était comprise par beaucoup comme quelque chose à obtenir quel qu'en soit le prix, y compris la liquidation physique. La guerre d'Espagne a ainsi bien été comme toutes les guerres, une sale guerre.

La guerre, même révolutionnaire, est quelque chose de terrible, parce qu'elle amène à des situations où les valeurs humaines sont remises en question (question d'" efficacité ").

Il faut de plus bien voir que la situation de la femme dans la guerre d'Espagne n'a pas été vraiment un triomphe (même si les femmes se sont énormément investies). Les Brigadistes sur la photo au début de l'article ont peut-être l'air très virils et très beaux, mais cela ne concerne pas la libération de la femme... (sauf le fait que toute union d'hommes est à considérer avec esprit féministe plus que critique!).

Des personnalités importantes du mouvement ont été bien sûr mises en avant (Federica Montseny et Emma Goldmann chez les anarchistes, La Pasionaria bien sûr...), mais le problème de toute révolution sociale où l'avant-garde est insuffisante c'est que la ligne révolutionnaire est floue, qu'il existe de grands espaces d'oppression qui ne sont pas montrés théoriquement et pratiquement, et qui ne sont ainsi pas attaqués.

Ceux/Celles qui croient que la révolution amène une société merveilleuse d'un coup, en un jour, un mois ou même un an, feraient bien de se confronter aux réalités économico-sociales, que ce soit celles d'aujourd'hui ou celles de l'Espagne antifasciste.