Centre Universitaire d'Étude et de Formation marxistes-léninistes

Les étudiants, les cadres et la révolution

Janvier 1969

III - LES ÉTUDIANTS

Au terme de l’analyse qui précède, malgré sa longueur et sa complication, nous n’avons pas avancé, si peu que ce soit, la solution du problème que pose le groupe des étudiants.

Sans doute, la thèse de Glucksmann sur la science = force productive directe, avait deux implications l’une était de ranger les porteurs de la science parmi les producteurs, l’autre de ranger les étudiants parmi les porteurs de la science, de façon que se trouvent expliqués à la fois et l’un par l’autre le caractère révolutionnaire de Mai-Juin et l’importance du mouvement étudiant dans les luttes populaires.

De la sorte, le cas des chercheurs et des étudiants peut être réglé simultanément.

Mais ici encore, les deux implications doivent être strictement séparées nous avons soutenu que la première d’entre elles doit être rejetée et que la relation entre porteurs de la science et producteurs n’est pas d’identité.

Au contraire, la seconde de­meure encore intouchée et c’est elle que nous avons à examiner à présent, en posant la question cruciale, qui constitue en fait l’enjeu de toutes les analyses de Mai-Juin quels sont l’être et la position de classe des étudiants ?

A cette question est attachée une contradiction bien connue la tempête de Mai-Juin, entre autres, a révélé que les étudiants peuvent prendre une position de classe décidée et que leur part peut même être essentielle dans la lutte des masses malgré cela tous les critères marxistes excluent que les étudiants comme tels constituent une classe.

A quoi il faut ajouter la contradiction qui fait que la position des étudiants s’est manifestée de façon répétée au cours de l’histoire des luttes et que pourtant la composition individuelle du groupe évolue par définition très rapidement, et se décrit, malgré son importance tactique, comme un simple lieu de passage.

Pour résoudre ces contradictions, la thèse classique propose de définir l’être de classe de l’étudiant sur la base, principalement, de son origine sociale, qui est en gros petite-bourgeoise et bourgeoise.

Ce point de vue est repris souvent par les révisionnistes et il leur sert à rabaisser l’importance du mouvement étudiant, en affectant par un tour de passe passe toute position de classe du groupe des étudiants - ai décidée soit-elle - du caractère incertain et oscillant de l’intérêt de classe petit-bourgeois.

Contre une pareille dépréciation, Glucksmann considère l’étudiant comme une “réserve de forces productives”, ce qui doit se lire, étant donné le cadre de son argumentation, comme “porteur potentiel de la science”.

De façon analogue, Bensaïd et Weber justifient que l’étudiant soit rapporté aux techniciens, cadres et savants en posant qu’il détermine son être de classe par référence à son avenir social plutôt que sur la base de son origine (ibid. p. 29).

De la sorte se trouvent réglés à la fois le problème du caractère transitoire (qui est entièrement neutralisé par les notions de potentialité et d’avenir anticipé) et celui de l’être de classe (qui est identifié à celui des porteurs de science).

Il est curieux de noter que ces positions, qui se donnent pour but d’expliquer l’importance capitale et la spécificité du groupe étudiant, ne trouvent d’autre issue que de le rattacher à un ensemble plus vaste qui l’englobe -de sorte que le problème de la définition spécifique est censé résolu sans même être posé.

D’autre part, il doit ressortir de notre analyse qu’à nos yeux, le choix entre avenir et passé social demeure pour la majorité du groupe étudiant cantonné dans les limites de la petite bourgeoisie de part et d’autre, par leur origine et par leur avenir, les étudiants sont en majorité des petits-bourgeois.

Ces paradoxes doivent être pris comme l’indice de difficultés réelles ; pour en dénouer l’enchevêtrement, il faut commencer par séparer les deux contradictions que nous avons notées, les résoudre l’une et l’autre en elles-mêmes, et d’abord la plus essentielle la relation entre être de classe et position de classe du groupe étudiant.

1 - Être de classe des étudiants.

Nous avons pu poser la question de l’être de classe du cadre, du chercheur et de l’enseignant en tant que tels.

La moindre réflexion montre qu’une telle question n'est pas pensable à propos de l’étudiant en effet ai l’on peut définir l’être de classe du cadre, du chercheur et de l’enseignant, c’est qu’il est possible de marquer la position de leur travail spécifique à l’égard du procès productif de plus-value et de reconnaître la source et la forme de leur revenu.

Au contraire l’étudiant a les traits paradoxaux, si on le considère en tant que tel, de n’avoir aucune relation avec la plus-value, de ne se livrer même à aucun travail socialement défini, de n’avoir aucune source de revenu du point de vue social tout cela n’a évidemment rien à faire avec la quantité de travail personnel qu’il peut fournir en s’instruisant : ce travail bien réel n’a pourtant aucune signification pour la société de même il ne faut pas tenir compte du fait que l’étudiant, comme individu, peut toujours participer à la production (travail noir, travail à mi-temps etc.) dans ce cas, l’individu fonctionne de deux façons différentes et parfaitement indépendante~ tantôt comme étudiant, tantôt comme travailleur (productif ou improductif) enfin il peut se faire que l’étudiant perçoive une allocation, mais là encore, cela n’affecte pas les déterminations sociales: l’argent qui est ainsi versé par l’état ou d'autres organisation n’est pas un profit perçu par l’étudiant; il ne rétribue pas des services rendus, un travail (productif ou non) qui aurait été accompli et vendu ; il ne constitue donc pas à proprement parler un revenu.

En fait, l’étudiant en tant que tel est une détermination qui n’a de sens qu’au sein de l’institution universitaire; c’est une notion superstructurelle (juridique) qui se ramène à définir une place dans une organisation réglementée.

On pourrait même défendre l’idée que le contenu social de cette notion juridique consiste à faire de l’étudiant (comme on général de tous les “élèves” dans l’école) un “inapte” aux yeux de la société et de ses institutions, l’étudiant est considéré comme n’ayant aucune qualification pour agir socialement, c’est-à-dire pour exploiter avec profit pour lui-même ou être exploité avec profit pour son employeur[1].

Définir l’étudiant comme un porteur de science revient donc à me placer tout à fait on dehors du point de vue social sans doute, considérés dans leur Individualité, les étudiants ont des connaissances, mais de cela la société n’a que faire, et il est impossible d’en tirer la caractérisation d’un être de classe.

Chercher une signification de classe ou une position politique dan, la détermination de l’étudiant comme tel, est ainsi une démarche parfaitement vaine.

En revanche, il n’est pas vain de se demander quel est l’être de classe des sujets qui se trouvent à l’université on position d’étudiant; un étudiant donné a un être de classe, non pas on tant que tel, mais parce que nul n’échappe à la lutte des classes dans la formation sociale.

Cela doit conduire à modifier radicalement la question initialement posée ; ce qui importe maintenant c’est de décrire en termes de classe non plus l’étudiant, mais le groupe des étudiants, et de mesurer quels facteurs objectifs peuvent jouer sur un sujet dont l’être de classe est déjà déterminé, lorsqu’il est à l’université.[2]

Le problème de fait est assez facile à résoudre on s’accorde à reconnaître que la majorité des étudiants est de la petite bourgeoisie, ou plutôt, car il faut renverser les termes, que ce sont des petits bourgeois que l’on trouve on majorité à l’université (que leur être de classe se règle sur leur passé ou sur leur avenir est, de ce point de vue, secondaire)[3].

Cela dit le groupe des étudiants existe et il a une spécificité parmi les fractions de la petite bourgeoisie.

Déterminer cette spécificité, cela consiste justement à caractériser l’oscillation de l’intérêt de classe petit bourgeois dans ce cas particulier, on examinant s’il est ou non plus rapidement et plus décidément que pour d’autres fractions près de rallier le camp du prolétariat.

En d’autres termes, il faut rechercher les facteurs objectifs qui sont particuliers au groupe étudiant et déterminent sa position de classe[4].

2- Position de classe des étudiants

On peut reconnaître parmi ces facteurs : la jeunesse, la position d’intellectuel, le statut d’universitaire,

Rien ne s’oppose en effet à admettre les remarques de Glucksmann[5] et à considérer la jeunesse comme une forme institutionnelle, liée à certains phénomènes économiques, qui alourdit encore la dépendance à l’égard du capital ; il est tout à fait exact que les jeunes ouvriers ou les jeunes petits-bourgeois ont des “raisons de se révolter” qui leur sont propres [6] et que n’a pas l’ensemble de leur classe, de sorte qu’ils sont plus que les autres mobilisables contre la classe dominante.

Mais il faut voir que, de ce point de vue, la jeunesse est un fait de superstructure et n’exerce son effet que sur un être de classe déjà déterminé; elle ne peut donc servir à définir celui -ci, pas plus qu’elle ne donne à elle seule la base d’une révolte c’est toujours on tant que prolétaires ou en tant que petits-bourgeois que les jeunes peuvent être mobilisés, même si le jeune prolétaire est plus décidé à lutter et le jeune petit bourgeois plus près de rallier le camp de la révolution.

La détermination “intellectuel” est d’une autre nature elle doit être comprise à partir de la division radicale entre travail manuel et travail intellectuel qui affecte l’organisation des forces productives, c’est-à-dire la base et non la superstructure.

Cette division n’est pas propre au mode de production capitaliste elle apparaît dans d’autres modes de production (cf. par exemple les scribes de l’ancienne Égypte ou les mandarins de la Chine impériale) et ne cesse pas automatiquement avec lui (c’est même une des raisons qui expliquent la nécessité d’une révolution culturelle après la révolution politique prolétarienne).

Seulement, le système capitaliste lui donne une forme particulière dans l’organisation des classes et des superstructures qui lui sont propres la classe dominante, spécifiée comme (grande) bourgeoisie, se réserve le travail intellectuel, qui devient son apanage et celui de ses servants petits-bourgeois ; d’autre part, une institution est créée qui s’inscrit tout entière dans le cadre de cette division, qui la suppose et la consolide l’université.

Bien qu’il ne se livre à aucun travail socialement reconnu, l’étudiant est donc d’ores et déjà placé dans la division entre travail intellectuel et manuel, tous ceux qui participent à l’universi­té étant comme tels des intellectuels.

Il supporte ainsi les contradictions idéologiques qui sont attachées à cette position et que nous avons rappelées ailleurs. De plus, on tant qu’intellectuels, les étudiants sont particulièrement ouverts à la science marxiste-léniniste ; même s’ils la reçoivent d’abord sous une forme adultérée (humaniste ou théoriciste), c’est une base de mobilisation importante.

Quant à l’université, on sait que les contradictions y sont de jour en jour plus algues.

Nous ne nous y attarderons pas et rappellerons seulement qu’elles affectent à la fois la forme de l’organisation, le contenu de l’enseignement et la fonction sociale de l’institution[7].

Sur tous ces points, les étudiants sont de plus on plus décidés à engager la lutte et à la mener sur une base de classe.

On peut ainsi caractériser un ensemble de contradictions définies à trois niveaux distincts, qui toutes jouent dans le même sens et sont autant de motifs capables de faire pencher l’intérêt du petit-bourgeois étudiant vers le prolétariat ; mais aussi, à chacun des niveaux qui tous ensemble spécifient le groupe étudiant, il est nécessaire de définir une zone de solidarité dépassant de groupe groupe de la jeunesse (rassemblant des ouvriers, des cadres, des chercheurs, des enseignants etc.), groupe des intellectuels (rassemblant tous les travailleurs intellectuels cadres, universitaires, artistes, etc.), groupe des universitaires (enseignants et étudiants).

3 - Autonomie et spécificité du groupe étudiant.
Tactique et stratégie

Si l’on veut trouver une définition de l’étudiant qui lui soit entièrement propre et tout à fait autonome, il faut s’en tenir à la définition juridique de son statut universitaire.

Mais si l’on veut trouver des caractéristiques qui ne soient pas purement formelles et comportent un contenu politique et économique, Il faut reconnaître qu’elles ne peuvent être trouvées pour lui seul les étudiants, on tant que groupe descriptivement isolable, sont à l’intersection de trois ensembles diversement définis et qui se recoupent entre eux.
Du point de vue politique, ils concentrent leurs contradictions respectives ainsi s’explique l’exceptionnelle "sensibilité” politique du groupe étudiant et le fait qu’il puisse jouer le rôle d’un révélateur dans une conjoncture.

En retour, du point de vue de l’analyse de classes, la conséquence est la suivante non seulement, comme tous les petits-bourgeois, les étudiants n’ont pas d’intérêt propre à la révolution (au sens d’intérêt de classe), mais de plus ils n’ont pas de motifs propres à faire leur l’intérêt du prolétariat les motifs qui les poussent, ils les partagent avec tous les jeunes (ouvriers et petits-bourgeois), tous les intellectuels (universitaires et non-universitaires), tous les universitaires (étudiants et enseignants).

Cela signifie que les étudiants subissent les effets de facteurs objectifs plus nombreux et plus puissants que tous les membres petits-bourgeois de chacun des autres groupes, (et en particulier que les cadres et chercheurs puisqu’aux difficultés des salariés non-productifs qu’ils connaîtront plus tard et qu’ils peuvent anticiper, se surajoutent dès à présent les contradictions propres à la jeunesse et à l’institution universitaire[8].

Mais cela signifie aussi que pour expliquer les raisons qu’ils peuvent avoir de se révolter, il ne faut pas faire appel à des motifs qui leur seraient réservés et qu’ils ne partageraient avec aucun autre groupe ; il faut reconnaître la superposition et le renforcement mutuel de raisons objectives qu’ils ont en commun avec cha­cun des trois ensembles dont ils sont l’intersection de la spécificité que le groupe étudiant tient de la combinaison unique de trois caractéristiques, il ne faut pas conclure à son autonomie.

Du point de vue de la stratégie de classes, il n’y a donc pas de particularité du groupe étudiant son être de classe est celui de la petite bourgeoisie en général ; son intérêt de classe est oscillant entre la bourgeoisie et le prolétariat, comme celui de tous les petits-bourgeois ; il est vrai qu’il penche de manière particulièrerent décidée du côté du prolétariat, mais c’est sur la ba­se de facteurs appartenant à des groupes plus vastes.

Les problèmes qui se posent à leur propos se réduisent donc

1) aux problèmes de la jeunesse qu’il faut regrouper et mobiliser sur la base de ses difficultés propres (difficulté d’embauche, instabilité de l’emploi, oppression bureaucratique dans les entreprises et sou­vent dans les organisations syndicales etc. )

2) à ceux des intellectuels qu’il faut rallier au camp de la révolution, puis révolutionnariser ;

3) aux problèmes de l’institution universitaire, où la lutte des classes doit être menée sous des formes spécifiques.

L’importance stratégique du groupe se ramène corrélativement à l’importance qu’il faut reconnaître à la jeunesse qui constituera de façon générale le fer de lance dans la lutte ouverte, aux intellectuels, qui, révolutionnarisés, pourront opérer la fusion du marxisme et du mouvement ouvrier, objectif fondamental de toute organisation com­muniste, à l’université qu’il faut retourner contre le système capi­taliste, avant d’en briser la machine tout entière.

Une organisation communiste devra distinguer les types de tache qu’elle doit accomplir à l’égard des trois groupes

1) organisation quasi-militaire de la jeunesse,

2) révolutionnarisation des intellectuels,

3) lutte dans l’université (lutte légale et révolution culturelle).

Mais ce serait tomber dans l’abstraction que de négliger les effets que doivent avoir sur cette analyse stratégique générale, les superstructures particulières de l’institution universitaire lorsqu’en effet une stratégie est définie, rien n’est encore fait.

Si l’on n’en déduit pas une tactique les deux taches sont distinctes, bien qu’elles soient liées dans le premier mouvement, il faut démêler la signification de classe des formes superstructurelles observables afin d’en situer la position par rapport à l’action révolutionnaire, c’est-à-dire leur place stratégique (analyse de classes); cela fait, il faut, on un second temps, définir l’application de la stratégie on fonction des conditions objectives que lui font ces superstructures existantes (tactique).

De ce point de vue, ce qui compte au moment où la lutte est engagée ce n’est plus seulement l’être et la position de classe des sujets, mais aussi leur degré et leur forme d’organisation alors il est très important que l’institution universitaire fonctionne comme un rassemblement donné dans l’objectivité.

Il est décisif que l’université rassemble au même point (les facultés, considérées comme un lieu) et par une structure institutionnelle commune[9], de jeunes intellectuels, alors que partout ailleurs les jeunes ne sont qu’une partie inorganisée et dispersée, par exemple, de l’entreprise et que les intellectuels (comme les petits-bourgeois en général) forment une foule atomisée, répartie à divers points de la formation sociale.

La différence entre le point de vue stratégique et tactique permet de comprendre pourquoi les étudiants peuvent être, pris individuellement, des petits-bourgeois instables et oscillants, sur lesquels il est impossible de fonder une stratégie révolutionnaire, mais aussi pourquoi les petits-bourgeois, quand ils sont étudiants, constituent une force irremplaçable dans une position privilégiée, avec laquelle la tactique doit compter pour évaluer le rapport des forces.

C’est à ce titre que l’alliance de classe du prolétariat avec cette fraction spécifique de la petite bourgeoisie est important aujourd’hui, comme elle l’a été par le passé on Chine autant ce serait une erreur opportuniste que de privilégier les étudiants et faire dépendre l’action du prolétariat d’une fraction de la petite -bourgeoisie, autant c’est de l’aventurisme de les négliger du point de vue tactique et vouer le prolétariat à un solo funèbre.

C’est donc on un sens bien précis qu’ils peuvent être dits, une avant-garde, selon l’expression de Mao Tsé-toung [10] les étudiants qui, pris sur une longue période, sont oscillants dans leur position de classe et quittent rapidement leur situation d’universitaire, ne peuvent, cela est clair, constituer une avant-garde du point de vue stratégique, c’est-à-dire élaborer pour toute la durée d’une conjoncture la ligne politique et la ligne d’action en fonction de l’objectif principal (c’est là la tache du parti), mais ils forment l’avant-garde tactique, car, pris à un moment déterminé, ils sont fermes dans leur position de classe sur la base des contradictions objectives qu’ils subissent, ils combattent au premier rang dans la lutte des masses, se lancent les premiers dans la bataille et même parfois donnent le signal déclenchant l’affrontement général.

Notes

[1] Si l’on peut admette que dans tout mode de production, il doit s’opérer une certaine transmission de “savoirs” (quel qu'en soit le contenu : recettes techniques, formes idéologiques, sciences), il n’est pas du tout nécessaire historiquement que cette transmission soit amurée dams le cadre d'une Institution déterminée par un corps de spécialistes (professeurs).

Dans bien des formations sociales, la transmission d’un savoir n’est pas séparée de la mise en œuvre de celui-ci : la relation enseignant-enseigné prend alors la forme de la relation maître--apprenti, et nom pas du tout professeur-élève.

L’université est liée au mode de production capitaliste de maniére radicale : plus encore que par les servants qu’elle forme et l’idéologie qu’elle transmet, elle suppose le capitalisme dans son être même, c’est-à-dire l’existence d’un corps de spécialistes chargés uniquement de la transmission de savoir.

C’est pourquoi la révolution doit avoir pour objectif de briser la machine universitaire (révolution culturelle).

[2] On pourrait éclairer le raisonnement par une comparaison de l’étudiant avec le militaire (non pas le militaire de carrière, mais le conscrit)

1) Il est parfaitement vrai que l’année de conscription est, comme l’université, liée à un mode de production déterminé et même à une forme déterminée de l’Etat capitaliste : ce n’est pas un hasard si l’université a été réorganisée et l’armée de conscription créée au même moment en France. Sur cette base, l’armée et l’université ont une signification de classe très précise et reconnue.

2) Tout en appartenant donc à une institution de classe, le milItaire comme tel, de même que l’étudiant, n’en a pas pour autant un être de classe fixe et déterminé.

Son être de classe, il le tient d’ailleurs (en général, pour le militaire, de son origine sociale plus que son avenir). S’il est un petit-bourgeois par ex., ce n’est pas parce qu’il est à l’armée, mais parce qu’en dehors de l’armée, un certain nombre de facteurs objectifs le lient à cette classe.

3) Mais si la question de l’être de classe du militaire comme tel n’a pas de sens, Il est important et parfois capital pour la lutte de déterminer qui est l’être de classe numériquement le plus représenté parmi le groupe des militaires (contingent) et d’en déduire la position que ce groupe adoptera vis-à-vis du camp de la révolution,
4) Il est tout à fait compréhensible et normal que pour ce type de question, on n’obtienne pas de réponse systématique par oui ou non, mais une réponse descriptive en termes de propor­tion (majorité/minorité).

[3] Trois déterminations sont en jeu : la détermination politique (intérêt de classe oscillant) —-l’origine de classe — l’avenir de classe et elles sont d’importance inégale, puisque la première est toujours en dernière instance décisive : il peut se faire qu’un fils de grand bourgeois à l’université en vienne à une position petite-bourgeoise et de là prolétarienne, Cf. Appendice 3.

On peut observer que suivant les besoins de leur cause, les révisionnistes varient l’accentuation des trois facteurs insistant sur les deux premiers s’il s’agit de décrier le milieu étudiant (petits-bourgeois incertains, fils de grands bourgeois) ou sur le troisième quand il s’agit de n’en être pas coupé (futurs intellectuels, futurs cadres, précieux pour la nation, etc.).

Le procédé est risible Il est de plus le produit d’une analyse insuffisante, deux traits concomitants du révisionnisme.

[4] Ainsi se résout la contradiction entre le caractère passager de la condition étudiante et la possibilité de reconnaître des caractéristiques permanentes du groupe étudiant il faut maintenir à la fois que des conditions objectives communes pèsent sur tous les étudiants, que ces conditions ont un effet mobilisateur sur l’intérêt de classe petit-bourgeois et qu’elles peuvent ne pas suffire à le maintenir définitivement du côté du prolétariat.

C’est pourquoi le petit-bourgeois se démobilise facilement après avoir quitté l’université (ce qui lui permet de mettre se mobilisation passée au compte du romantisme juvénile), tandis que d’autres étudiants, lui ayant succédé, se mobilisent à leur tour sur la base des mêmes facteurs.

La tâche de la propagande prolétarienne est justement de fixer définitivement la position de classe prolétarienne de l’étudiant et de la maintenir même après qu’il a quitté l’université.

[5] Stratégie et révolution. p. 49-50

[6] Il ne. suit pas de là qu’elles soient les mêmes dans les deux cas. Cf. Appendice 2

[7] Cf. Fascicule 1

[8] On fait souvent état d’un motif de révolte qui serait exclusivement propre aux étudiants: la lutte contre les enseignants.

En fait, il faut replacer cette lutte, qui existe en effet, dans le cadre général de la lutte contre l’oppression au sein de l’institution universitaire.

Les points de cette lutte sont les suivants:

1) La lutte contre l’administration : c’est en fait une lutte qui doit engager les enseignants aussi bien que les étudiants contre les représentants de la machine d’État.

2) Lutte contre les enseignants réactionnaires Il ne s’agit pas de combattre ces enseignants en tant que tels, mais en tant que réactionnaires.

A ce titre, c’est une lutte générale que doivent mener tous les universitaires progressistes (enseignants et étudiants). Même si par leur nombre et leur combativité, les étudiants sont à chaque fois l’aile marchante du mouvement, leur objectif n'est donc jamais de placer la ligne de démarcation entre étudiants et enseignants, mais toujours entre progressistes et non-progressistes.

Aux deux points de la lutte, correspondent des formes d’action différente lutte matérielle (juridique ou violente) dans le premier cas, lutte idéologique dans le second.

Il est vrai que bien souvent elles sont étroitement conjointes, parce que les enseignants idéologiquement réactionnaires sont aussi ceux qui se font les suppôts de l’administration et usent de la fraction de pouvoir administratif qu’ils détiennent pour opprimer les étudiants.

Néanmoins, cette liaison n’est pas nécessaire : Il a pu se faire que des enseignants de droite aient protégé des étudiants, par anarchisme aristocratique et inversement, on a vu des enseignants idéologiquement progressistes commettre la faute de ne pas user de leur pouvoir administratif pour protéger les masses étudiantes.

Et même si la liaison a lieu, elle a seulement pour conséquence qu’il faut alors unir le, deux formes de lutte, sans les confondis et en les hiérarchisant suivant la conjoncture dénoncer l’enseignant réactionnaire comme Idéologue du capitalisme, d’autre part le dénoncer comme agent de l’administration oppressive et combattre matériellement cette oppression.

[9] De la même façon, la stratégie doit considérer la classe ouvrière dans son ensemble et se donner pour objectif de la libérer de la structure existante de l’industrie (et en particulier de sa sujétion à l’dgard de l’entreprise), mais du point de vue tactique.

Il est essentiel de tenir compte de la forme d’organisation objectivement donnée que constitue l’usine comme lieu et l’entreprise comme institution.

C’est ce qui échappait à Rosa LUXEMBOURG lorsqu’elle s’opposa aux thèses de LÉNINE sur l’organisation (Cf. p. ex. le texte reproduit dans Que faire?, Seuil, p. 264).

[10] Cf. Appendices 5 et 6